Yaya Sanou → workshop danse afro-contemporaine

10.9.2024
12.9.2024
Yaya Sanou → workshop danse afro-contemporaine
© Valentine Houot Braun

Le chorégraphe et danseur burkinabé Yaya Sanou a proposé une immersion en danse afro-contemporaine au Créahmbxl. Durant deux jours, quatre danseurs de la Compagnie se sont initiés à des mouvements inconnus. Un croisement des mondes qui pourrait déboucher sur des résidences et une nouvelle création.

 Créahmbxl : Yaya Sanou, vous êtes chorégraphe et professeur de danse depuis un moment quand, en 2006, vous vous intéressez au handicap et à l’inclusivité. Que s’est-il passé ?

Yaya Sanou : Je passais tous les jours en rentrant chez moi devant une école de mon quartier. Je voyais de jeunes sourds, retranchés entre eux, à qui on n’offrait aucune activité. J’ai proposé de leur donner des cours de danse. Tout est parti de là.

Créahmbxl : Comment avez-vous travaillé avec eux ?

Yaya Sanou : Dans le bus de faciliter l’apprentissage de la danse aux sourds, j’ai créé la technique « Vibra-Signe » qui s’appuie sur la langue des signes, la vibration, le regard, le rapport au sol et le touché. Plus précisément, j’utilise la vibration, le rythme de la musique, pour réaliser un exercice de tapotement sur le corps des danseurs afin de leur permettre de trouver un équilibre entre la vibration du corps et les mouvements de danse sur la musique. J’utilise également la langue des signes, à partir de laquelle j’ai développé un vocabulaire pour la danse qui permet de signer les mouvements dansés, ainsi que le rythme et ses différentes variations. Voir les danseurs sourds s’exprimer à travers la danse, une danse synchronisée avec la musique, impressionne le public.

Créahmbxl : Vous avez produit deux spectacles avec cette compagnie inclusive. Quels sont les réactions ?

Yaya Sanou :  L’avant dernier spectacle créé par ma compagnie Fientan en 2023, Adepte de mon être, a été très bien accueilli dans les festivals, notamment par le public du Masa (Marché des Arts du Spectacle Africain) à Abidjan. Il a également reçu la Médaille d’Or aux 9èmeJeux de la Francophonie dans la catégorie « Danse de création », alors que nous étions les seuls à présenter des danseurs et danseuses en situation de handicap.

Adepte de mon être entame en 2024 une tournée européenne qui s’achèvera en 2025. Il est possible qu’il soit diffusé sur une grande scène belge l’année prochaine. Cette reconnaissance est importante, parce que le travail que nous réalisons avec la compagnie n’existait pas en Afrique. La qualité des danseurs et danseuses prouve que quand on donne des opportunités à des personnes en situation de handicap, elles sont capables de les saisir et de se dépasser. La danse leur permet de s’exprimer de la plus belle des façons, mais c’est vrai dans tous les domaines.

Tous les ans, j’organise le festival Noussondia à Bobo-Dioulasso. Le prochain aura lieu en décembre. Pendant trois mois, nous travaillons en amont à initier des personnes en situation de handicap auditif, mais aussi visuel et physique, à la langue des signes, à la danse, au théâtre et à la musique. Durant la semaine du festival, le résultat de ce travail est montré à l’espace Culture Lab ADH et dans les quartiers populaires alentour. C’est une façon de sensibiliser cette population à l’éducation des personnes en situation de handicap, de promouvoir l’inclusion. Notre travail provoque l’étonnement, dans un sens positif.

Créahmbxl : Comment avez-vous perçu le Créahmbxl ?

Yaya Sanou : Le Créahmbxl est l’une des rares institutions qui donne l’opportunité aux personnes en situation de handicap de suivre des ateliers artistiques et de poursuivre ce parcours en intégrant des créations qui seront diffusées dans le circuit professionnel. J’ai beaucoup apprécié la disponibilité des participant·es au workshop, leur curiosité à découvrir une autre manière de danser.

Créahmbxl : Comment avez-vous travaillé avec des artistes qui ne présentent pas le même handicap que votre public habituel ?

Yaya Sanou : La compagnie Fientan a élargi ses ateliers à des personnes en situation de handicap visuel, avec qui j’utilise des mots qui forment images. J’essaie d’aller plus toujours loin. Il y a un point commun à tous mes ateliers, c’est l’aspect humain, le travail de découverte : comment la personne réagit-elle aux exercices ? Quels sont ses points forts et ses points faibles ? Je pars de ces observations et des qualités des participant·es pour les amener vers autre chose. Je n’ai pas agi autrement au Créahmbxl. J’ai regardé qui étaient les danseur·euses, ce qu’ils et elle savaient faire, quel était leur état physique et mental : je suis parti d’eux pour trouver le chemin. En tant que danseur, j’apprends de chaque personnalité que je rencontre parce que m’adapter à elle, c’est prendre d’autres chemins que ceux que je connais déjà.

Créahmbxl : Aïcha Coulibaly, la danseuse qui vous accompagne lors de ces workshops, s’est insérée dans ce travail. Qu’en a-t-elle pensé ?

Aïcha Coulibaly (traduction de la langue des signes par Yaya Sanou: Aïcha s’est demandée comment elle allait travailler avec des danseurs qui présentaient un handicap qu’elle n’avait jamais rencontré. Comme moi, elle les a observés. Elle les a trouvés très à l’aise dans le travail d’improvisation. Par contre, certains avaient de sérieux problèmes de tempo (rires), mais avec son expérience elle sait qu’avec le temps, tout est possible.

Créahmbxl : Envisageriez-vous une collaboration avec la Compagnie du Créahmbxl ?

Yaya Sanou : Oui, si elle peut déboucher sur une création. Cela représenterait un travail approfondi car j’aimerais accueillir les danseurs et danseuses du Créahmbxl à Bobo Dioulasso pour qu’ils s’imprègnent dès le départ de notre univers et de notre manière de travailler.

 

Yaya Sanou est chorégraphe et directeur artistique. En 2016, il créée l’association Art au-delà du Handicap (ADH) de laquelle naitra la compagnie FIENTAN. En 2019, « Tamacien-Don », la première création de la compagnie, voit le jour, suivie par « Yirri-Koro ». En 2023, « Adepte de mon être » est qualifié de « fresque émotionnelle » qui « transcende le simple cadre d’un spectacle pour devenir un voyage initiatique, (…) un plaidoyer vibrant (…), qui résonne comme un appel universel à l’inclusion. » (Saidicus Leberger pour RadioTankonnon).

Création en cours (2024) : A Gninfô, spectacle inclusif mixte.

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