La Mue du Lotus → échange de pratiques

En pleine création de son spectacle « Nous quartier libre », la metteuse en scène Virginie Marouzé fait appel à des conseillers artistiques qui proposent aux comédien·nes en situation de handicap mental et psychique de sa compagnie d’aborder certaines scènes avec un regard neuf. Clément Papachristou et Edouardo della Faille se sont prêtés au jeu. Retour d’expérience.

La Mue du Lotus

Virginie Marouzé possède une longue expérience du travail artistique avec des personnes en situation de handicap mental ou psychique. Elle œuvre en tant que metteuse-en-scène au sein de la compagnie théâtrale Tout va bien ! implantée à Nancy.  Elle y porte le projet artistique d’un ESAT* qui professionnalise douze acteur·ises en situation de handicap, embauché·es à mi-temps. Iels forment la troupe La Mue du Lotus.

« Ces artistes sont professionnels, ils ont un salaire », dit-elle. « Après de longues batailles politiques, ils bénéficient aujourd’hui de la formation continue. Dans le cadre des actions que nous menons, il y a l’invitation de personnalités extérieures pour des échanges de pratiques. »

Pratiques artistiques inclusives

Virginie Marouzé sympathise avec Clément Papachristou, artiste associé au Théâtre National, lors d’une rencontre au sujet des pratiques artistiques inclusives. Une collaboration germe. « Nous avons mis en place un échange de pratiques. Clément a proposé d’y participer en duo avec Edouardo della Faille qui participe à la création de son prochain spectacle, Justice. »

Une proposition à laquelle Virginie Marouzéa été immédiatement favorable. « La présence d’Edouardo rejoignait une question que je me pose souvent : les artistes en situation de handicap sont sollicités en tant qu’interprètes, mais quelle place leur laisse-t-on entant que force de proposition ou metteur en scène ?  

Échanges transfrontaliers

Grâce aux accords de coopération signés par la Région Grand Est et la Fédération Wallonie-Bruxelles, l’échange de pratiques se déroule en trois temps. En avril,La Mue du Lotus est venue présenter une étape de de sa future création : Nous quartier libre à Bruxelles au Théâtre National. La troupe accueille ensuite Clément Papachristou et Edouardo della Faille en septembre à Nancy. Elle leur présente des matières de spectacle à travailler. Clément Papachristou retournera plus tard à Nancy avec une ébauche de Justice. Edouardo della Faille, danseur et acteur au sein de la Compagnie du Créahmbxl, participe à cette création qui se construit pour partie lors de séances d’improvisation. C’est sur cette base que Clément Papachristou l’associe à son intervention à Nancy.

Ouvrir des chemins

Joëlle Shabanov, chorégraphe au Créahmbxl, et Marion De Spiegelaere, éducatrice, se sont relayées auprès d’Edouardo della Faille durant son séjour nancé en. Elle sont assisté aux séances de travail. « C’était très intéressant d’observer l’osmose, l’entraide, la bienveillance qui existe au sein de cette troupe »,affirme Marion De Spiegelaer. « J’ai trouvé Edouardo impressionnant dans ce travail avec Clément. On voit qu’ils ont l’habitude de fonctionner ensemble : Edouardo propose quelque chose que Clément reformule et intègre immédiatement au travail en cours. »

Joëlle Shabanov a rejoint par le biais de rencontres en mouvement le travail de cette troupe « super accueillante, très réceptive ». Car les corps de personnes en situation de handicap participent pleinement par leur énergie à la dynamique des spectacles sans qu’il soit facile de les déployer. « Même si j'inclus le travail du mouvement dans mon travail théâtral », précise Virginie Marouzé, « travailler avec Clément, qui est chorégraphe, sur des scènes qui font beaucoup intervenir le corps, était très intéressant. »

L’improvisation,une méthode familière à la Mue du Lotus. « On aime beaucoup inventer sur le moment », rit la metteuse-en-scène, qui ajoute : « Il y a eu une très belle circulation entre les scènes que nous avons présentées, les regards de Clément et d’Edouardo, qui débouchaient sur des discussions entre eux, puis des propositions de travail que je relayais à la troupe. Ils ont ouvert des chemins très intéressants pour le spectacle. »

Formateur de talents

« Edouardoa reçu un accueil très chaleureux », précise Marion De Spiegelaer, « et ces quatre jours de travail étaient intenses pour lui. Il venait au théâtre avec son tricotin et son carnet et pouvait de temps en temps se réfugier dans ses jardins secrets. Mais c’était un vrai plus de visiter Nancy ensemble en fin d’après-midi. Nous avons partagé de simples moments de vie, comme deux amis : fureter dans une librairie, découvrir la ville… Je garde en mémoire de ce séjour une scène avec un voile, très belle, et ce petit air de vacances. »

Et Edouardo della Faille, qu’en pense-t-il ? « J’ai éprouvé beaucoup de fierté à être formateur de talents. Virginie nous a proposé deux scènes à approfondir un peu plus dans le mouvement. J’ai utilisé certains exercices que je fais avec Joëlle, que j’avais envie de partager. On a travaillé le thème de l’amour, le voile, le tissu secoué par le vent, le voile, les mariés. On a aussi dansé avec des bâtons pour travailler différentes parties du corps. Après le travail, avec Joëlle, on a mangé une glace, été au restaurant. Avec Marion,on a fait de petites balades, été à la Halle aux Livres. J’ai acheté un livre sur le crochet pour continuer (la création de masques pour une performance). Je n’avais jamais fait ça, c’était de la joie. »

*ESAT :Établissement et Service d’Aide par le Travail