La vie nous attend, une exposition → Entretien avec la curatrice Justine Jacquemin

Justine Jacquemin, tripes, fantaisie et optimisme

Justine Jacquemin est à la tête de la galerie Dys depuis 2018. Elle y défend la création contemporaine, avec une prédilection pour les artistes à l’univers onirique et habité. À la demande de Jonathan F. Kugel, elle est commissaire de l’exposition La vie nous attend, composée exclusivement d’œuvres du Créahmbxl. Quel regard porte-t-elle sur ce projet ? Rencontre.

Comment avez-vous abordé cette curation ?

Je choisis toujours mes œuvres au coup de cœur et avec mes tripes. Pour La vie nous attend, le processus de sélection a été identique, mais dans des conditions 5 étoiles. Chez Jonathan Kugel, l’espace d’exposition est grand et je n’ai dû renoncer à aucun de mes coups de cœur. En plus, le Créahmbxl a un paquet d’artistes intéressants. C’était la ruée vers l’or ! J’ai choisi plus de 100 dessins en une après-midi.

D’où est venu ce titre, La vie nous attend ?

D’une phrase écrite sur un dessin de Roger Angeli, qui nous a sauté aux yeux. On était unanimes à penser que c’était un titre porteur de sens à plusieurs points de vue. Le « nous » est très inclusif, il parle de la vie ensemble, de ce qui fait société. De plus, ce qu’il y a de commun à l’ensemble des travaux qui seront visibles, c’est cette projection de vie rêvée, fantasmée, réécrite. Une vie à portée de crayon, de pastel, de bic, qui est presque là, presque vécue, porteuse d’espoir et de mélancolie.

Que souhaitez-vous que les visiteurs de l’exposition découvrent au travers de votre regard ?

J’aimerais qu’ils soient traversés par plusieurs émotions différentes, qu’ils soient un peu secoués aussi, et étonnés, par la diversité des propositions et par leur qualité esthétique. Qu’ils passent du rire à l’attendrissement parce c’est ce qui arrive quand on regarde ces œuvres. Certaines sont tendres, pleines de sucre, d’autres parlent d’un désir tout cru. Mais elles reflètent les mêmes espoirs, les mêmes moments de nostalgie que ceux que nous éprouvons. Il y a plein de cordes tendues entre ces œuvres et les visiteurs, plein d’échos variés et identifiables.

Vous aimez les « rêves agités », nous aussi. Dans quel rêve vivez-vous pour l’instant ?

Je vis toujours dans un rêve plein de fantaisie à la limite du cauchemar. Avec tout ce que le cauchemar peut amener de libre et de créatif, de situations de rupture qui poussent à la remise en question. J’ai besoin d’être dans une dynamique de recherche. Je gère ma galerie comme je gère ma vie, avec sincérité, avec passion. « À cœur vaillant, rien d’impossible. » C’est l’idée d’un optimisme actif, qui est conscient que les choses autour de nous ne vont pas bien, mais qui persiste : oui, un optimisme militant.

En quoi les artistes du Créahmbxl seraient-ils particuliers ?

Les artistes du Créahmbxl sont raccords avec mes artistes. J’étais dans une création qui m’est familière. Mes artistes insiders ont tous un côté très habité, très expressif et instinctif. Dans ma galerie, je privilégie le travail sur papier. Je me sentais à la maison. Il y avait une vraie proximité d’âme. Là où j’aurais pu être étonnée, c’est par la qualité de la réalisation, qui est surprenante. On sent qu’il y a au Créahmbxl des talents qui sont cultivés, poussés. On met entre les mains des artistes tous les outils nécessaires pour qu’ils sortent le meilleur. Il y a une vraie exigence de la part des animateurs artistes qui les accompagnent. Presque tout était bon, c’était ça qui était désespérant dans le choix !

Pourquoi Jonathan F. Kugel vous a-t-il invitée à réaliser cette curation ?

Jonathan aime bien le côté intemporel et étrange qui se dégage de mes expositions à la galerie DYS. Il m’a dit qu’il n’aurait pas forcément fait les mêmes choix que moi et que c’est ce qu’il attendait : un regard qui le fasse sortir de ses sentiers connus, un regard frais et personnel. Nous nous connaissons depuis deux ans. Nous sommes de la même génération, de jeunes galeristes solidaires qui ont envie de créer des ponts, des dialogues entre leurs espaces. Cette émulation et cette énergie sont aussi intéressantes pour le public.

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