Gaëlle Leroy → scénographier le Créahmbxl

13.9.2024
15.9.2024
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Gaëlle Leroy → scénographier le Créahmbxl

Gaëlle Leroy scénographie les expositions du Créahmbxl. Lors des Journées Portes Grandes Ouvertes, elle fait le pari de présenter un maximum d’œuvres entre les murs de l’ancien commissariat du 30, rue Alphonse De Witte. Celles et ceux qui découvrent ses accrochages s’accordent pour les apprécier comme un geste artistique à part entière. Comment se construisent ces expositions et quelle tonalité pour ce dernier rendez-vous en un lieu si particulier ? Pistes concrètes et grands enthousiasmes.

Créahmbxl : Dans quel esprit entamez-vous le montage d’une exposition comme sarabande catalytique ?

Gaëlle Leroy : Dans un esprit de renouvellement. J’entame le travail en ayant en tête l’ensemble des expositions que j’ai montées au 30, rue Alphonse De Witte. Je me souviens des artistes qui ont été exposés, de quelles œuvres étaient présentes et du lieu où elles étaient accrochées. C’est un travail que j’adore, qui s’apparente à un jeu : comment amener les visiteurs et visiteuses à redécouvrir les artistes et leurs œuvres, comment renouveler leur regard ? Il faut innover et aller crescendo car une partie du public revient d’année en année. Mon défi : que la proposition soit visuellement forte. Mes outils : l’espace, la disposition des œuvres, leurs formes et l’énergie apportée par la juxtaposition. Au Créahmbxl, nous pratiquons l’accrochage à la russe, foisonnant, du sol au plafond, parce que nous aimons ça, mais aussi parce qu’il nous permet de présenter le maximum d’œuvres et d’artistes.

Créahmbxl : Comment relever ce défi ?

Gaëlle Leroy : C’est un travail de longue haleine, qui s’étale sur plusieurs mois. Je commence par opérer une réflexion pour trouver un nouveau concept, une idée directrice. Lorsque l’idée est jugée suffisamment bonne, j’entame la sélection des dessins, peintures, pastels, gravures qui seront accrochés. Je suis accompagnée par Simon-Pierre Toussaint, le directeur artistique du Créahmbxl. Il suit l’ensemble du processus, valide ou invalide certains de mes choix.

C’est une période de redécouverte. Je suis artiste-animatrice et j’archive aussi les œuvres produites, j’en ai donc une bonne mémoire. Mais quand j’ouvre les fardes, j’ai à chaque fois des surprises, de véritables coups de cœur. C’est ma période d’achats frénétiques au Créahmbxl : je tire un dessin du carton et je me dis : celui-là, il me le faut, personne d’autre ne peut partir avec ! (Rires).

Nous établissons avec Simon la pièce maîtresse qui sera centrale à l’exposition. Cette année, c’est l’installation Colorama : il s’agit d’un accrochage sur un mur entier, entièrement basé sur des ricochets chromatiques entre les œuvres. On débute sur une palette de rouges, avec notamment Pascal Duquenne, pour terminer sur des roses intenses, presque flash dans le cas de Sherazade Gharbi. Ce procédé permet de visibiliser certains artistes qui ne sont pas accrochés habituellement. Les artistes sont augmentés d’être ensemble. C’est la première année que l’on s’autorise un accrochage de ce type. 

Créahmbxl : Est-ce que le regard change quand la scénographe prend le relai de l’artiste-animatrice ?

Gaëlle Leroy : Complètement. En tant que scénographe, je ne regarde plus le dessin et sa qualité, j’évalue la forme, le travail de la couleur et comment l’œuvre va se comporter dans un ensemble. Certains artistes se mettent mutuellement en valeur, d’autres se desservent. Quand je débute l’accrochage concret, physique, je commence par poser certaines œuvres qui sont incontestables. Elles ancrent la composition d’ensemble. Ensuite, je travaille sur les espaces vacants. Mon but est de créer une dynamique, une circulation du regard, mais aussi de l’arrêter par moment, de lui permettre de se reposer. C’est une composition au sens graphique du terme, j’induis une lecture de l’accrochage qui s’apparente plus à une combinaison rythmique qu’à une recherche de sens. Pour cela, je monte et je descends de l’échelle une bonne centaine de fois. C’est une phase que j’adore, j’accroche la quasi-totalité des centaines d’œuvres présentées.

Créahmbxl : Les locaux du 30 sont ceux d’un ancien commissariat, ce doit être plutôt compliqué d’y bâtir un parcours cohérent ?

Gaëlle Leroy : Il y a beaucoup de contraintes architecturales, qui sont doublées par le fait que nos Journées Portes Grandes Ouvertes apportent un complément indispensable aux subventions du Créahmbxl grâce à la vente et qu’il faut donc que chaque œuvre soit visible malgré le foisonnement. L’entrée, par exemple, se révèlerait facilement un angle mort, un simple lieu de passage. Il faut trouver une accroche visuelle qui la transforme en véritable amorce de l’exposition à venir avec une proposition forte. Cette année, en allusion à notre futur déménagement, des sculptures de Julien Detiège sont présentées sur un étagement de cartons. Elles sont lourdes, il y a une astuce !

Le 30 est un lieu que j’aime énormément : les coins et recoins, le côté « boucle » du parcours, les petits bureaux qui sont parfaits pour des présentations solo… Celui en face de l’ouverture sur la cour est un véritable point chaud parce que les gens passent un moment à papoter et par le jeu des vitres et de la porte ouverte regardent les œuvres qui s’y trouvent durant de longues minutes et finissent par repartir avec. Les cellules sont des espaces incroyables, on y fait souvent des projections vidéo : cette année, on y trouve l’entièreté des dessins qu’Audry Mananga pour la capsule animée qu’il a réalisée en collaboration avec Zorobabel.

Il y a dans cet endroit ce doux mélange entre le brol et le nickel qui caractérise le Créahmbxl : d’un côté, on a dix mille trous dans les murs qu’on assume, et de l’autre, on repeint certaines zones pour présenter des œuvres sur un aplat monochrome.

Créahmbxl : On peut revenir sur cette notion de déambulation rythmée que vous évoquiez – elle se bâtit en partie sur cette opposition ?

Gaëlle Leroy : Toujours. Pour créer une cohérence dans le foisonnement, il faut être très carré. On est obligé d’alterner des accrochages très propres, mesurés, avec les amas. Pour que l’ensemble reste lisible, la sélection est thématique pour chaque artiste. On va la travailler par sujet (corps, animaux…) ou par projet. Les dessins d’Hideki Oki qui sont présentés cette année constituent une partie du jeu des 7 familles qu’il est en train de créer. De même, y compris dans les zones plus floues, il y a toujours un mélange d’œuvres encadrées ou non. L’encadrement permet une projection pour le futur acheteur, mais il crée également un relief, un repère dans l’accrochage. Le rythme se crée par alternance, contraste, rupture… En définitive, le parcours, pour être réussi, doit trouver sa dynamique plastique, mais aussi émotionnelle.

Créahmbxl : Y a-t-il une tonalité particulière dans cette dernière exposition au 30 ?

Gaëlle Leroy : Il y a forcément un peu de nostalgie. Je suis scénographe de spectacle au départ. J’ai dû apprendre à construire un parcours sans support narratif, sans la complicité d’un metteur en scène. Heureusement, j’ai pris de l’assurance. Nous arriverons dans un lieu mieux préservé, totalement différent : c’est une nouvelle page blanche.

Adresse

Créahmbxl

30, rue Alphonse De Witte
1050 Ixelles

Itinéraire ↗
Informations pratiques

We Art XL

sarabande catalytique, tout le programme

Ven. 13/09

18h > 24h

Sam. 14/09 & Dim. 15/09
11h > 18h

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